(1678-1815)
HISTOIRE D'UN " BAILLIAGE CONTESTE "
LAUTERBOURG, chef-lieu d'un bailliage de l'Évêché de Spire,
n'est pas devenue française par les Traités de Westphalie de 1648,
qui ont mis fin à la Guerre de Trente Ans. Elle ne l'est devenue que
beaucoup plus tard, au terme d'une longue querelle de procédure et finalement
sur le coup d'un rapport de force.
Des Français, elle a d'abord un fort mauvais souvenir, puisque la ville est incendiée par les hommes du Maréchal de Créquy, le 3 octobre 1678, lors de la dernière campagne de la terrible Guerre de Hollande (1672-1679), au moment où il s'agissait pour les Français de chasser de la Basse-Alsace, les derniers éléments impériaux qui y subsistaient, avant l'ouverture des négociations de paix (1).
Pourtant, si l'on en croit le récit qu'en a laissé
le curé KISTNER dans ses registres paroissiaux, Lauterbourg, lorsqu'elle
fut incendiée, ne paraît pas avoir été un nid de
résistance impériale. Au contraire, elle avait été
abandonnée de ses habitants, et c'est de leurs refuges des îles
du Rhin, que ceux-ci durent assister à la perte de leurs biens
" Die Flammen färbten den Himmel blutrot und verkündeten den
armen Bürger die teils auf den Inseln des Rheins, teils jenseits des Rheins
Schutz und Rettung gesucht haben, den Untergang der Stadt. Mit wehmütigem
Herzen, sahen aus der Ferne das hoch in die Wolken lodernde Feuer, das ihr Hab
und Gut versehrte. Erst nachdem die ganze Stadt bis auf wenige Häuser,
welche das zerstörende Element nicht erreichen konnte, ein Raub der Flammen
geworden, war der Franzosen Zerstörungswut gesättigt" . (2)
La paix de Nimègue du 5 février .1679 entre la France et l'Empire ne changera rien, quant à l'Alsace, aux dispositions des Traités de Westphalie Lauterbourg et son bailliage devaient donc en principe rester à l'Évêché de Spire et à l'Empire.
Mais Versailles ne l'entendait pas ainsi. Dès le lendemain de la Paix de Nimègue, et profitant de la faiblesse de l'Empire, il se mit à interpréter les traités à sa guise. Le Landgraviat de Basse-Alsace, dont le Roi de France n'avait obtenu en 1648 que le titre (sans droit de souveraineté), fut ainsi compris dans son acceptation territoriale originelle (avec droit de souveraineté sur tous les territoires qui le composaient autrefois). Or de ce Landgraviat, faisaient partie le Chapitre et l'ancien Mundat de Wissembourg. Des recherches menées par les agents du Roi dans les archives leur apprirent en outre que c'est à ce Chapitre et à son Doyen que le Grand-Bailli de Lauterbourg avait coutume de prêter serment.
"Ce serment, explique l'Évêque de Spire en novembre 1698 (3), était seulement un serment d'office et nullement pour le fond. Il ne donnait aucune dépendance. C'est seulement par bienséance que les terres de la prévôté de Wissembourg ont été mises sous le gouvernement du bailli de Lauterbourg, l'obligeant pour le cas de mana du prévôt à ce serment vers le doyen et Chapitre comme cela se pratique dans tous les Chapitres d'Allemagne".
Qu'à cela ne tienne, tout le Mundat de Wissembourg devait à présent devenir français, puisqu'il avait autrefois fait partie du Landgraviat, et avec lui tout le bailliage de Lauterbourg, en vertu de ce serment. En réalité l'intention de Versailles était alors de s'annexer toute la Basse-Alsace jusqu'à la rivière de la Queich, qui traverse les villes de Landau et de Germersheim.
C'est ainsi que le 5 janvier 1680 le bailli de Lauterbourg et les autres officiers du bailliage sont sommés de se présenter le 20 janvier suivant à 9 heures du matin devant le Sr Pape d'Espel, le nouveau bailli royal de Wissembourg, ainsi que devant le Staffelgericht (ou justice royale du bailliage de Wissembourg) "pour y prêter serment, à l'accoutumée." (4)
Le 22 mars 1680, l'évêque de Spire lui-même était sommé de se rendre à Brisach, siège du Conseil Supérieur d'Alsace, afin d'y rendre foi et hommage au Roi de France pour son bailliage de Lauterbourg et lui prêter le serment de fidélité. Mais l'évêque ne s'y rendra pas, comme d'ailleurs l'Electeur Palatin, le Grand-Maître de l'Ordre Teutonique ainsi que le Margrave de Bade, à qui avaient été adressées les mêmes sommations pour raison de leurs possessions situées sur la rive droite de la Queich.(4a : Jean-Laurent Vonau "Les Arrêts de Réunions des 22 mars et 9 août 1680" L'Outre-Forêt n° 29 p. 22 à 26).
Leur refus ne changea rien. Leurs sujets (donc également ceux du bailliage de Lauterbourg) sont néanmoins enjoints "de reconnaître à l'avenir le Roi de. France pour leur seul souverain et monarque, avec défense de se pourvoir ailleurs qu'au Conseil Supérieur, d'Alsace en cas d'appel". Il leur est en outre ordonné de lui prêter serment de fidélité, et "de placer les armes de Sa Majesté sur les principales portes et entrées des villes pour marquer de sa souveraineté" (5)
"Le baron de Montclar, commandant pour le Roi en Alsace, et donc sommer les officiers de l'Évêché, et d'en nommer d'autres, au cas où ils refuseraient de prêter le serment de fidélité. Les habitants, furent obligés de leur obéir, avec défense de recevoir à l'avenir d'autres ordres que ceux qui émaneraient du Roi leur seul souverain».(6).
L'Évêque ayant aussitôt fait des "remontrances" au gouvernement du Roi, "l'on convint de nommer des commissaires pour désigner les limites entre la France et l'Empire en attendant la conclusion de la paix générale "(6) . Mais ces conférences ne donnèrent aucun résultat. Au contraire, l'Empire craignant d'indisposer Louis XIV et de le porter à d'autres annexions encore, ne put faire autrement que d'approuver par la trêve de 10 ans conclue à Ratisbonne en 1684 les "Réunie" faites par la France avant la date du 1er août 1680, y compris celle de Strasbourg, bien que celle-ci date du 30 septembre 1681.
Ainsi donc Lauterbourg et son bailliage sont devenus juridiquement
français pour la
première fois. De confession catholique, ils n'eurent cependant pas à
subir alors les dragonnades anti-calvinistes ordonnées par une monarchie
obsédée d'unité religieuse, comme ce fut le cas pour les
bailliages calvinistes voisins, dont celui d'Oberseebach, enlevé à
l'Électeur Palatin (7).
Les sources archivistiques sur cette période sont cependant rarissimes, sinon inexistantes du côté français. On est donc bien en peine de donner la moindre idée des sentiments et de la situation de la population du bailliage de Lauterbourg à ce moment-là.
Mais bientôt, c'est de nouveau la guerre, celle dite
de la Ligue d'Augsbourg (1688-1697), au cours de laquelle les Français
réussiront à tenir solidement leur frontière du Rhin grâce
à leur nouveau système de places-fortes (Landau, Fort-Louis, Strasbourg
et Huningue).
Au traité de Ryswick de 1697; et pour se donner le maximum de chances
de recueillir la succession de la Couronne d'Espagne, Louis XIV accepte cependant
de renoncer à toutes ses annexions antérieures situées
hors de l'Alsace. Avec Fribourg-en-Brisgau, Brisach et le Brisgau, il restitue
donc à l'Empire tous les territoires qui sur la rive droite de la Queich
appartenaient à des princes d'Empire. Donc y compris le bailliage de
Lauterbourg.
« Sa Majesté a révoqué les réunions
faites à sa Couronne par le Conseil Supérieur d'Alsace »,
écrit l'Évêque de Spire en janvier 1699 (8).
« Elle cédait et abandonnait aux États de l' Empire, qui
avaient des domaines en Alsace ta supériorité territoriale avec
toute juridiction, droits, réalles et utilités, ainsi qu'ils en
avaient joui du temps qu'ils dépendaient de l'Empire, en se réservent
néanmoins les droits des armes, des appels et des mois romains »
(6).
TENTATIVES EPISCOPALES
L'évêque eut-il le temps de procéder alors à une
véritable prise de possession ? Sans doute pas. Car bientôt, avec
le 18e siècle qui commence, s'ouvre la dernière guerre européenne
de Louis XIV, la Guerre de Succession d'Espagne. Landau est pris et repris par
les Impériaux, qui viennent d'ailleurs à cet effet se retrancher
à Lauterbourg et sur la rive gauche de la Lauter (1703-1704). Mais les
Français reviennent à la charge en 1706 et se fortifient à
leur tour le long de la Lauter (9).
La paix conclue à Rastatt en 1714 confirme le traité précédent, signé à Ryswick. Autrement dit, l'évêque de Spire est en droit de se remettre en possession de son bailliage de Lauterbourg. Aussi celui-ci manifeste-t-il bientôt l'intention de se faire prêter solennellement foi et hommage par ses justiciables d'Alsace, et de donner à cette cérémonie « tout l'éclat dont elle pouvait être susceptible ».
Il prévoyait en effet d'élever au milieu de la place de Lauterbourg un trône surmonté d'un baldaquin, de placer des deux côtés de ce trône deux fauteuils pour deux chanoines du Chapitre de Spire, dont la présence aurait donné un lustre nouveau à la prestation du serment ; de construire en face de ce trône un amphithéâtre pour les spectateurs de distinction, et de faire venir une garde des hussards de l'évêque, magnifiquement habillés de neuf. En un mot, « tout l'extérieur devait représenter dans toute sa pompe la réception d'un serment de fidélité prêté à un souverain d'Allemagne » ()0)
Ce projet ne tarde pas à s'ébruiter en Alsace et à mettre les autorités dans l'inquiétude. KLINGLIN, le prêteur royal de la Ville de Strasbourg, croit bien faire en en prévenant aussitôt le Mal de CONTADES, gouverneur de la province. Résultat : le Conseil Souverain d'Alsace fait connaître le 19 janvier 1715 à l'évêque de Spire qu'avant de prendre possession de son bénéfice, celui-ci devait d'abord prêter le serment de fidélité au Roi de France.
L'évêque n'en tient pas compte. Renonçant à son ambitieux projet, il charge néanmoins un mandataire de prendre possession du bailliage à sa place le 25 mars 1719. Prise de possession, qui sera d'ailleurs déclarée nulle par le Conseil Souverain d'Alsace, dès le 2 mai suivant.
Le Cardinal-Evêque de Hütten meurt le 30 novembre
1719. Son coadjuteur, le Cardinal de Schönborn, lui succède. Suivant
l'ancienne coutume, celui-ci envoie bientôt des commissaires recueillir
le serment des habitants du bailliage. Mais le Conseil Souverain d'Alsace par
son arrêt du 12 juin 1720 exige de ces commissaires de se retirer et interdit
aux "sujets du Roi" de leur obéir (10).
Entre temps, au printemps 1718, survient un incident, qui confirme l'intention
des autorités françaises de ne laisser aucun argument à
l'évêque pour ce qui est de la souveraineté du bailliage.
Au mois d'avril, on arrête en effet à Landau (ville française)
un paysan qui avait commis plusieurs vols dans certaines églises du bas-bailliage
de Lauterbourg (partie en aval de la Lauter). L'Évêque demande
aussitôt qu'on lui livre le délinquant pour le faire juger par
les officiers de sa Régence, puisque les vols ont été commis
dans ses bailliages. Mais pour les Français, cette remise aurait signifié
qu'ils reconnaissaient la souveraineté de l'évêque sur le
bailliage, et que le bailliage et la ville de Landau sont de deux juridictions
différentes. Aussi préfèrent-ils garder le paysan et le
faire juger prévôtalement à Strasbourg.
Mais un évènement inattendu vient bouleverser ces calculs. Peu après, les officiers de l'évêque arrêtent en effet à Lauterbourg un Juif, complice du voleur, qu'ils font aussitôt mettre en prison au chef-lieu du bailliage. L'évêque allait donc quand même pouvoir juger en dernier ressort un crime de haute justice.
Les Français ne pouvaient l'admettre. Sur une suggestion de l'Intendant d'Alsace d'ANGERVILLIERS, ils feront donc discrètement évader le Juif des prisons de Lauterbourg ! (11).
Pourtant, en dépit de cette déconvenue, l'évêque continue de faire preuve de ténacité. A l'occasion du décès de l'Impératrice Eléonore, il ordonne de faire sonner les cloches avec solennité et de tenir des prières publiques à Lauterbourg, à Wissembourg et dans les bailliages en dépendant.
"Il est certain, écrit alors un agent de l'Intendant, que de pareils ordres ne peuvent avoir été envoyés que dans le dessein de prétendre que ces paroisses sont dépendantes de l'Empire" (12) Le Mal du Bourg, gouverneur de la province, se dépêcha donc d'expédier des ordres exprès aux baillis de Wissembourg et de Lauterbourg pour empêcher ces et autres solennités" ( 13)
En mars 1720, nouvelle initiative épiscopale. Cette fois, "pour éviter l'inconvénient des augmentations et diminutions de prix et de valeurs fréquentes dans les espèces de France depuis le système de LAW" ( 13) , l'évêque ordonne au bailli de Lauterbourg de "faire payer ses revenus seigneuriaux sur le pied de la valeur d'Allemagne" (13).
L'Intendant d'Alsace propose aussitôt d'y riposter par une ordonnance portant que dans les bailliages de Seltz, Lauterbourg et autres lieux où là souveraineté "est contestée au Roy" on soit obligé de se servir des espèces de France et suivant le cours qu'elles ont dans le royaume. (12).
Nous ignorons si cette ordonnance a été effectivement
rendue. En tout cas, l'évêque lui réplique le 19 janvier
1722 par une ordonnance "décriant les monnaies de cuivre de France
avec défense de les faire passer dans aucune de ses recettes" (13).
Le 12 du même mois, il avait également prescrit à ses baillis
en Alsace d'enjoindre à ses sujets "de ne point comparaître
devant la
juridiction du Staffelgericht de Wissembourg hors de certains cas, et de s'adresser
auxdits baillis dans les instances qu'ils auraient à former en justice"
(13)
Le Conseil Souverain d'Alsace ne pouvait rester sans réagir. Dès le 23 février, il interdisait aux habitants alsaciens des bailliages spirois "d'exécuter ou de faire exécuter" l'ordonnance épiscopale.
En 1723, pourtant, percent déjà les indices d'une évolution qui sera décisive par la suite. Les habitants du bailliage de Lauterbourg commencent en effet à se détacher de leur seigneur en portant leurs litiges devant le Conseil Souverain de Colmar, et non plus devant la justice épiscopale, dont les autorités françaises leur avaient interdit l'accès. Ils s'en privèrent d'autant moins, que là-bas à Colmar ils voyaient bien que l'évêque ne pouvait pas se faire entendre, puisqu'il refusait toujours de reconnaître la souveraineté du Roi, qu'il s'y faisait même régulièrement condamner par défaut, et cela pour des affaires importantes, puisqu'elles concernaient les redevances qui lui étaient dues.
Tout cela préoccupait l'évêque, au point qu'il s'en confie à l'Intendant lui-même à l'occasion d'une visite qu'il fit à Strasbourg au Cardinal de Rohan. Dès cette époque, il laisse entrevoir en effet son regret de ne pas être autorisé par l'Empire à rendre ses foi et hommage au Roi de France pour ses bailliages alsaciens, ni par conséquent à reconnaître l'autorité du Conseil de Colmar.
A partir de là, les affaires épiscopales paraissent se dégrader toujours davantage : fin 1729, l'évêque s'étonne d'apprendre qu'il lui faut un "passeport du Roy" pour faire transporter de Lauterbourg à Edisheim 637 maldres de grains destinés à sa "table épiscopale". "Il serait fâcheux pour moi, écrit-il, d'être obligé de demander des permissions toutes les que j'aurai besoin de faire transporter des grains d'un enduit de mes terres à l'autre, comme si j'étais un étranger".
Mais dans cette nouvelle affaire, l'évêque serait
plutôt d'avis à penser qu'il s'agit d'une "manœuvre"
de ses propres officiers, qui cherchent à entraver le commerce de ses
grains pour l'obliger finalement à les revendre à bas prix (14).
PENDANT LA GUERRE DE SUCCESSION DE POLOGNE
La Guerre de Succession de Pologne (1733-35) est une nouvelle épreuve
pour le bailliage de Lauterbourg et les états épiscopaux. L'armée
française vient en effet occuper en grand nombre les places de Landau
et de Lauterbourg, ainsi que les lignes de la Lauter. De grands travaux de fortification
y sont ordonnés pour mettre la contrée en état de défense.
A cet effet, 64 300 palissades sont nécessaires en décembre 1733, que l'état-major demande à l'évêque de fournir sur sa forêt de Lauterbourg. La promesse est cependant donnée que ces palissades seront "payées au prix qu'elles se règlent ordinairement". L'évêque, qui ne pouvait sans doute faire autrement, accepte et donnera les ordres en conséquence (15).
Mais les habitants du bailliage de Lauterbourg sont également soumis aux réquisitions militaires. Il leur est demandé de bâtir 11 ponts-levis "dans les ouvrages" et de les entretenir. Il leur est aussi demandé d'entretenir tous les corps de garde et de construire à leurs frais un nouveau bâtiment à foin et avoines, de réparer toujours à leurs frais "le pavé tout à fait ruiné par les fréquents passages tant des caissons que d'autres grosses voitures du Roy. Ce qui leur a coûté une somme inexprimable".
A cela s'ajoutent des corvées de voitures quasi quotidiennes et des fourragements incessants. Le Magistrat de la ville doit en outre verser chaque année une "gratification" de 400 livres au commandant de la place. Il lui paye également des "étrennes"" de 80 livres, d'autres de 40 livres destinées au major, plus 165 livres de loyer de maison, ainsi que "l'ustencile" et le "bien-vivre" de l'état-major, qui consistent en lits, planches, bois de chauffage,
1. l'Atzgeld ou droit d'alimentation,
2. le droit d'obliger les cabaretiers d'aller chercher dans les caves à
Spire ou ailleurs les vins qu'ils débitent,
3. Le droit d'obliger Les habitants du bailliage d'aller par corvées
à la chasse pour le compte de l'évêque, ses officiers ou
autres personnes.
le Liegergeld, qui est une imposition sur les vins appartenant aux habitants
du bailliage,
la taille ou Bette sur un pied plus fort qu'il est porté sur le registre,
appelé Tagerbuch,
le droit d'exiger les frais et dépenses du bailliage appelés Amtumkosten,
le droit d'imposition dit Schatzungen.
Le Conseil Souverain prend un premier arrêt le 2 juillet 1750, faisant défense aux habitants de payer la taille à l'évêque, sauf à celui-ci de se pourvoir en cas de désaccord par devant Sa Majesté. Les corvées, qui étaient jusque-là illimitées, sont pour leur part réduites à 10 jours.
Mais l'évêque était convaincu que ces droits
lui revenaient d'ancienneté. Il demande donc au Conseil Souverain de
débouter les habitants de leur requêtes. C'est ainsi qu'est pris
le 2 septembre 1750 un nouvel arrêt, reconnaissant effectivement à
l'évêque le droit de percevoir les taxes numérotées
1, 0, 5 et 6. Par cet arrêt, les habitants du bailliage sont même
condamnés à payer le Liegergeld (N°4) depuis le temps qu'ils
ont sur le même pied payé avant".
Pour l'évêque, c'est une demi-victoire. Et afin de mieux garantir
à l'avenir ses droits, il propose au pouvoir royal de conclure une Mais
celui-ci s'y oppose. L'évêque consent alors à demander au
Roi des lettres patentes pour ses terres de la Basse-Alsace, ce qui revenait
à accepter la souveraineté française sur celles-ci.
Ces lettres patentes sont accordées "gracieusement" à Versailles en juin 1756 (curieusement aucun document n'en indique la date précise). L'évêque craignait cependant que cette soumission nu lui retire le droit de suffrage à la Diète de l'Empire et au Cercle du Haut-Rhin. Mais comme ce droit de suffrage pouvait être "dans la suite de quelque utilité à la France", il fut semble-t-il convenu d'exempter l'évêque de prêter ses foi et hommages au Roi de France pour raison de ces lettres patentes (24).
En d'autres termes, par cet accord, l'évêque de Spire reconnaissait la souveraineté du Roi de France sur ses bailliages situés en Basse-Alsace (Lauterbourg, Dahn, Madenbourg, et St-Rémy) sans être tenu de lui prêter le serment de fidélité accoutumé, mais continuait de rester propriétaire féodal de ces mêmes bailliages.
C'est ainsi que ces lettres patentes reconnaissent à l'évêque et à ses successeurs.
- le maintien de leur juridiction ecclésiastique sur la partie de leur diocèse situé en Alsace,
- le droit de nommer des baillis et autres officiers de justice
dans
les six bailliages, à condition qu'ils professent la religion catholique,
- la droit de réunir les fiefs aliénés par leurs prédécesseurs
- les droits de chasse, pêche et forêts,
- les droits de patronage, à condition qu'ils n'y nomment que des sujets
du Roy ou naturalisés,
- le droit de se faire prêter serment lors de leurs "joyeux avènements",
- le droit de faire confirmer leurs règlements de police, - le droit
de mine pour tous les minéraux, "notamment d'or et d'argent,
qui se trouveront dans le Rhin, les montagnes et le plat pays", - le droit
de trésor caché,
- le droit de déshérence,
- le droit de recevoir et de congédier les Juifs et de percevoir leur
droit d'habitation,
- le droit de corvée, de taille, de Beth, d'Atzgeld, Liegergeld,
Ohmgeld.
les droits de péage et de pontenage,
le droit de prendre et acheter des sels, partout où bon leur semblera
et de les vendre et débiter en gros et en détail à la grande
et à La petite mesure,
le droit de 20e denier de toutes les ventes d'immeubles et de 10e de toutes
celles de meubles,
le droit de conférer le droit de tenir cabaret,
le droit de conférer au dernier enchérisseur, le ramonage des
cheminées, le raccommodage des vieux pots d' étain, de cuivre
et de fer et le ramassage des vieux linges propres à faire du papier,
le droit de percevoir en nature ou de donner en ferme leurs revenus, de vendre
leurs grains, vins, bois et autres en Alsace,
le droit de tenir le bac sur le Rhin près de Lauterbourg,
le droit de jouir de toutes les autres rentes seigneuriales ordinaires en argent,
vins, grains, poules, chapons et autres. (25).
LE PROBLEME DE LA REGENCE DE LAUTERBOURG
L'évêque cependant se voit refuser un certain
nombre de droits, dont il avait pourtant réclamé la jouissance.
Ces droits sont les suivants :
- celui de nommer aux cures et autres bénéfices vacants de même
qu'aux offices laïcs de l'Évêché et du Chapitre des
personnes qui ne sont pas tenues de se faire naturaliser, et qui ont le privilège
d'être régnicoles et exempts du droit d'aubaine ;
- celui de juger les affaires ecclésiastiques suivant le droit canon
devant le Conseil ecclésiastique établi à Spire, à
Bruchsal ou où il lui semblera bon, et cela sans appel ou autre secours
au Conseil Souverain d'Alsace ;
- celui de choisir et de nommer les grands-baillis, baillis, prévôts, greffiers, médecins, avocats, procureurs fiscaux et autres officiers de justice, de finances ou de forêts et de chasse, sans être obligé de les faire approuver par le Conseil Souverain d'Alsace.
L'évêque avait également demandé que les sujets de ses bailliages alsaciens soient tenus de plaider en première instance devant les juges épiscopaux de ces bailliages et devant le Conseil de Régence de Bruchsal en seconde instance. Et enfin que ce Conseil puisse juger en dernier ressort à la concurrence de 3 000 livres, sauf l'appel au Conseil Souverain d'Alsace pour une somme supérieure. (26)
Ces différentes revendications, le pouvoir royal refusa de les accorder, car il estimait qu'elles relevaient en réalité de ses propres droits de souveraineté. Pour lui, il ne pouvait absolument pas être question que la Régence de Spire soit compétente pour les affaires de justice des bailliages alsaciens. Tout au plus pouvait-il admettre, que par ces lettres patentes il soit permis à l'évêque de créer dans le bailliage de Lauterbourg une nouvelle Régence, dont lui-même nommerait les membres qui le composeraient, mais qui ne pourrait juger au civil que les affaires se montant à 500 livres "en définitif" et à 1 000 livres "par provision", toutes les autres affaires ainsi que les appels restant du ressort exclusif du Conseil Souverain d'Alsace.
C'est l'installation de cette nouvelle Régence, qui va à présent se trouver au centre de toutes les discussions. Cette Régence ne devait se composer que de trois juges, résidant autant que possible dans les bailliages alsaciens. Mais l'évêque "jeta les yeux sur des baillis résidant à 4 ou 5 lieues de Lauterbourg" (23). Initialement, il chercha également à fixer cette Régence "dans un lieu qui fut proche de sa résidence Bruchsal" , par conséquent dans un lieu situé à l'extrémité de ses bailliages alsaciens. (27).
Finalement, c'est à Lauterbourg, qu'il décide de l'établir. Et ce n'est que le 1er octobre 1764, soit huit années après la signature des lettres patentes, qu'il y nomme comme président le Sr François Antoine Joseph MULLER, déjà conseiller vétéran au Conseil Souverain d'Alsace. En principe l'exercice simultané de ces deux fonctions était incompatible. Mais le Roi passa outre en accordant le 12 décembre 1 764 à Versailles les "lettres de compatibilité" requises. (28)
Le 29 mars 1765, l'évêque nomma enfin le Sr Joseph
Urbain NEUBECK, son conseiller aulique et son ancien bailli pour le bailliage
de Lauterbourg, à l'office de premier conseiller de la nouvelle régence.
Le second conseiller sera le Sr François Antoine BOEHR, nommé
le même jour. (29).
Mais dès l'année suivante, il fallut reconnaître est impossible
que la Régence de Lauterbourg dans cet état. Mille inconvénients
se rencontrent. L'habitant est exposé à ne pouvoir obtenir justice
dans le temps de maladie, d'incommodité, de récusation ou d'absence
des juges qui le composent. Les crimes par la même raison restent longtemps
impunis et les prévenus sont exposés à être détenus,
dans le (30)
L'évêque se voit donc forcé de demander
au Roi qu'il lui soit permis d'augmenter la Régence de deux juges supplémentaires.
Autre inconvénient : la Régence devait fonctionner grâce
à une imposition annuelle de 6 000 livres sur les habitants des bailliages.
Là aussi, il fallut se rendre à l'évidence que le système
était "tout-à-fait onéreux, inutile, source d'inconvénients
et défectueux dans sa constitution". (31). Aussi n'est-il pas étonnant
que l'évêque finisse par souhaiter la suppression pure et simple
du tribunal dès 1771. Le Roi l'y_ autorise par lettres patentes signées
à Fontainebleau le 11 novembre de la même
année. Mais renvoie au Conseil Souverain d'Alsace "la connaissance
de tous les procès et contestations dont la Régence était
saisie". Les officiers qui la composaient conservent jusqu'à leur
mort le bénéfice de la moitié de leurs anciens appointements.
L'imposition à lever sur les habitants des bailliages, bien qu'ayant
perdu tout fondement, est donc ramenée à 3 000 livres. Elle devait
être réduite de 1 000 livres au décès de chacun des
trois conseillers.
Par la suppression de la Régence de Lauterbourg, les
bailliages alsaciens de l'Évêché de Spire entraient donc
pleinement dans la souveraineté du Roi de France. Et de cette époque,
l'incorporation au Royaume ne fait que se compléter.
C'est ainsi que par l'ordonnance de l'Intendant d'Alsace du 21 février
1771, et à la demande d'ailleurs de leurs prévôts, les bailliages
de Lauterbourg, Madenburg et Dahn sont exemptés des droits de péage
"pour toutes les marchandises et denrées qu'ils apporteront dans
le surplus de l'Alsace ou qu'ils remporteront chez eux, ainsi qu'en jouissent
les autres habitants de la province, mais à la charge d'acquitter les
droits sur les marchandises et denrées qu'ils importeront et exporteront
à l'étranger"
En application à cette ordonnance les Fermiers généraux
sont donc autorisés à installer leurs bureaux de péage
aux limites de ces mêmes bailliages.
L'évêque proteste, car il estimait qu'il était le seul en droit de percevoir les péages et le pontenage sur toutes les importations et exportations de ces bailliages. "Deux péages dans le même continent, dit-il, ne peuvent subsister ensemble" ( 32). Mais les Fermiers généraux lui répondent que les droits dont il réclamait la suppression sont en réalité "un attribut de la supériorité territoriale, à laquelle sa soumission à la Souveraineté du Roy n'apportait aucun changement".
Le souverain des habitants du bailliage de Lauterbourg était
bien le Roi de France à présent. Cela devient évident lorsqu'en
août 1777 deux citoyens "invalides" de Lauterbourg, (Conrad
HELLER et un autre dont le nom n'est pas indiqué par les sources d'archives)
se rendent à Paris pour présenter au gouvernement les requêtes
de leur communauté à propos de ses usages forestiers. "Il
faut s'attendre à tout de la part d'un peuple mutiné", proteste
l'évêque, impuissant.
A LA REVOLUTION
A la Révolution, le processus d'assimilation se poursuit et s'exacerbe,
d'autant plus qu'après le règne non-expansionniste de Louis XVI
la France est de nouveau portée à reprendre sa poussée
sur la rive gauche du Rhin.
Au mois de mars 1789, l'évêque de Spire est ainsi assigné à comparaître en personne ou par procureur à l'Assemblée des Trois États, qui devait se tenir à Haguenau le 26 du même mois en vue des États Généraux du royaume. Mais l'évêque ne s'y rendra pas : il chargera son bailli SPITZ de Lauterbourg d'y présenter ses protestations contre ladite assignation. (33)
Mais désormais, la cour spiroise ne connaîtra
plus de relâche. Chacune des réformes antiféodales et anticléricales
proclamées par la Révolution vont motiver son hostilité.
Les protestations vont s'ajouter aux protestations. Et elles seront toujours
aussi vaines et désespérées. L'évêque proteste
devant le gouvernement français, mais aussi devant la Diète germanique
et sa Majesté l'Empereur d'Allemagne, lorsqu'en septembre 1790 est engagée
la réforme de la justice et que dans le bailliage de Lauterbourg les
anciennes juridictions épiscopales sont remplacées par des tribunaux
élus.
L'évêque déclare s'opposer "très formellement
à la destruction de l'ordre ancien et à toutes les élections".
Il proteste même, et c'est inattendu, "contre l'anéantissement
du Conseil Souverain ».(,n 134)
Il proteste encore en novembre 1790 lorsqu'il est sommé par le district de Wissembourg de fournir l'état des biens, possessions et revenus de son évêché, premier pas vers la confiscation de ses propriétés comme Biens Nationaux.
Il proteste en démontrant à Louis XVI (qui est
toujours Roi de France)
que "l'Alsace n'était à la France ni d'origine, ni par convention,
que depuis l'origine de la monarchie, elle était de la Germanie et que
par les traités de paix du dernier siècle et du commencement de
celui-ci, elle a demeuré
Et existe encore sous la souveraineté de l' Empire d' Allemagne"
. (35) .
Par la loi du 5 décembre 1790 relative à l'enregistrement des actes civils et judiciaires, le département du Bas-Rhin établissait à Lauterbourg un greffier, qui exigera aussitôt la soumission des anciens greffiers épiscopaux. L'évêque y réplique en publiant à Bruchsal en janvier 1791 une adresse bilingue imprimée sur quatre pages. (36)
Au mois de mars, nouvelle protestation imprimée dans
les deux langues, mais sur 24 pages cette fois. Faisant la somme de tous les
griefs épiscopaux à l'égard des récentes dispositions
françaises, elle proteste
civile du clergé, contre l'élection d'un évêque pour
le département du Bas-Rhin et l'usurpation de la juridiction épiscopale
sur la partie du diocèse de Spire sise sur la rive droite de la Queich,
(mais aussi), contre toute les innovations apportées au gouvernement
ecclésiastique, aux droits de seigneurs et de supériorité
quai compétent à l'Évêché de Spire et aux
églises, corps, communautés,aux etqui en dépendent".
Cette déclaration est suivie de la liste des 60 curés et vicaires
de la rive droite de la Queich, qui tous affirment ne vouloir "aucunement
aux décrets rendus par l'Assemblée prétendue Nationale,
moins encore renoncer à aucun des droits ecclésiastiques ou temporels
de l'évêché de Spire, et demeurer soumis à l'autorité
du Saint-Siège, conformément aux canons de l'église et
aux dispositions du Concordat germanique"
Ces 60 prêtres déclarent enfin "être prêts de tout perdre, tout plutôt que de trahir leur saint ministère. Leur mission ne pouvant cesser que par la démission volontaire et acceptée de leurs bénéfices, ils n'abandonneront pas les postes que la Providence a commis à leurs soins et se regarderont toujours comme les pasteurs légitimes de leurs troupeaux" ( 31)
Sie sind entschlossen, dit le texte allemand, unter Gottes Hilfe nach dem Beispiel ihre Nachbarn so vieler erlauchten Oberhirten und guter Priester in Franckreich, lieber alles zu verlieren und auszustehen, als ihr heiliges Amt zu verletzen. Sie erklären hier mit, dass sie die ihnen durch die Vorsicht anvertrauten Stellen nicht verlasse, sondern sich immer als die rechtmäßigen Seelsorger ihrer Pfarreien betrachten werden".
Cette fois, l'épreuve de force paraît bien engagée. Aussi n'est-il pas étonnant que le gouvernement français manifeste bientôt son "excessive fatigue à l'égard des écrits incendiaires qui se fabriquent à Bruchsal et qui sont répandus dans la Basse-Alsace" . Il était temps, estimait-on à Paris et à Strasbourg que "de pareilles menées prennent fin".(38)
Attaquée sur tous les fronts par l'Europe monarchique coalisée, la France révolutionnaire triomphe cependant de tous les périls. Dans un sursaut victorieux elle parvient même à avancer ses frontières du nord-est jusqu'au
Mais la soumission de l'évêque de Spire en 1756
est originale. Ce prince est en effet le seul à accepter des lettres
patentes. Les autres au contraire ne consentirent à signer avec la France
que des traités de voisinage, établissant le tracé de leurs
limites respectives, donc sans modification des droits de souveraineté
: le prince de Nassau-Saarbrück en 1766 et 1770, le prince de Nassau-Weilburg
en 1776, le duc de Deux-Ponts (Zwei-Brücken) en 1766, 1783 et 1786, le
comte de la Layen en 1781 ... (39)
Jean-Claude S T R E I C H E R
NOTES :
1 cf. J.Cl. Streicher :"L'incursion des Français dans l'Outre-Forêt
en aoûtoctobre 1678" Revue "L'Outre-Forêt" n°
29 1er trimestre 1980 p. 18 à 21.
2 "Wie die Stadt Lauterburg zum erstenmal von den Franzosen gefreit wurde"
ELSA, n° 30 1975.
3 Archives Diplomatiques : Corr. Politiques SPIRE tome 1 p. 353.
4 A.D. : Spire 9 (37)
5 A.D. . Palatinat 13 (357)
6 A.D. : Spire 3 (19 à 28)
7 cf. J.Cl. Streicher : "L'obstination des Réformés d'Oberseebach"
Revue "L'Outre-Forêt" n° 14 et 15 2e trimestre 1976 p 75
à 83.
8 A.D. : Spire 7 (359 et 360)
9 cf. J.Cl. Streicher : "La construction des lignes de la Lauter en 1706"
Alsace Historique n° 17 sept. 1978 p 219-222.
10 A.D. : Spire 3 (124 à 129)
11 A.D. : Spire 2 (35 à 48) et Alsace 38 (208-209)
12 A.D. : Alsace 38 (279-280)
13 A.D. : Spire 2 (244 à 306)
14 A.D. : Alsace 40 (76)
15 Archives de la Guerre : Al 2703 (87 et 97)
16 A.G. : A1 2734 (143) et
A1 2784 (2)
17 A.G. : Al 2782 (42)
18 A.G. : Al 2734 (143)
19 A.D. : Spire 2 (145-148)
20 A.D. : Spire 2 (185)
21 A.D. : Spire 2 (221)
22 A.D. : Spire (13 et 14)
23 A.D. : Spire 3 (13 et 14)
24 A.D. : SPire 3 (152 à 154)
25 A.D. : Spire 3 (81 à 87)
26 A.D. : Spire 3(298 à 306)
27 A.D. : Spire , (130 à 137)
28 Archives du Haut-Rhin : 943 (512)
29 A.H.R. : 960 (322) et (325 à 327)
30 A.D. : Spire 3 (284 à 297)
31 A.H.R. :
32 A.D. : Spire (63 à 74)
33 A.D. : Spire 9 (52)
34 Archives Nationales : D XIV (9) Haut-Rhin
35 A.D. : Spire 9 (220)
36 A.D. : Spire 9 (243 et 244)
37 A.D. : Spire 9 (257 et 258)
38 A.D. : Spire 9(263)
39 cf. Jean-François NOËL :"Les problèmes de frontières
entre la France et l'Empire dans la seconde moitié du 18e siècle"
in Revue Historique - avril-juin 1966.