A propos de la Chapelle Saint-Antoine

Par M.Raymond Schwengler, auteur du livre «Néewiller, un petit village entre le Seltzbach et la Lauter»

La dévotion du village pour le Saint de Padoue date de la fin du siècle dernier. L'origine du pèlerinage est rapportée par le curé Antz.

Or il est curieux de constater que dans le manuscrit du livre, conservé aux Archives Départementales, le récit présente des différences notables avec le texte définitif. Ainsi, dans la version imprimée, la femme tsigane qui est guérie est mariée, installée avec sa famille pour quelque temps au village et ses enfants fréquentent même l'école communale. C'est en priant devant l'image pieuse de Saint Antoine (installée dans les années 30 par le maire de l'époque) qu'elle obtient un jour la guérison de ses mains raides et recroquevillées.

La version du manuscrit en revanche est beaucoup plus hagiographique. La personne guérie - c'est la même fille du couple Winterstein-Sepp - est une petite fille.

Comme dans la version précédente, elle souffre de la même malformation des mains, mais elle est en outre malade et alitée depuis sept ans. C'est à l'occasion d'un campement lors des pérégrinations de ses parents que la petite, qui rêvait parfois de Saint Antoine, invoque l'image pieuse et obtient la guérison.

Pourquoi ces deux versions? Elles suivent en fait deux sources différentes. Dans la version du manuscrit, le curé Antz transcrit fidèlement le témoignage oral d'une femme de la famille de la malade. Pour la version définitive, il complète et corrige en quelque sorte la première version par le témoignage des villageois et en particulier celui d'Ephrem Hoffarth, qui a été un temps le voisin de la famille tsigane momentanément sédentarisée. Quoiqu'il en soit, la vénération pour Saint Antoine se développe rapidement. A l'endroit béni s'élève bientôt une petite chapelle, modeste mais suffisante pour que la paroisse décide, en 1874, de fêter solennellement le Saint avec grand'messe et vêpres (le curé touche une gratification de trois francs pour ce service supplémentaire).

La chapelle actuelle, si "chère au peuple" selon le mot du curé Hassenfratz, sera construite en 1887, sous l'instigation des Gitans, "les fondateurs et promoteurs du pèlerinage" (comme les appelle le curé Winter) et à l'aide de quêtes effectuées par des bénévoles.

En 1889, on demande aux autorités civiles la permission d'exercer le culte dans la nouvelle chapelle et, pour savoir si rien ne s'oppose à cette mesure, le Commissaire de Police de Lauterbourg doit faire une enquête. La réponse, qui rapporte semble-t-il, une anecdote répandue dans la région, est quelque peu irrespectueuse pour le Saint: une pieuse femme de Scheibenhard, qui avait invoqué le Saint pour sa fille mariée restée sans enfants après plusieurs années de mariage, a été bien déçue de voir sa prière exaucée en partie seulement; en effet, il y eut erreur sur la personne et ce fut la fille célibataire qui fut enceinte.

Ce rapport n'empêche pas le Kreisdirektor (l'équivalent de notre Sous-Préfet) de donner son accord. Dès lors, le mardi devient le jour consacré à Saint Antoine, avec une messe à la chapelle. De nombreux fidèles s'y rendent régulièrement. Parmi eux se trouvent des pèlerins qui viennent de villages voisins et qui font trois ou quatre heures de marche pour assister à l'office.

Aujourd'hui encore, Saint Antoine est fêté avec beaucoup de ferveur. Le 13 juin, le village et les gens du voyage se retrouvent avec plaisir.

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