Historique du 263e Régiment d'Artillerie, texte aimablement communiqué par Jean-Luc DRON
L'OFFENSIVE des FLANDRES (juillet-novembre 1917)
Aux premiers jours de juillet la division est embarquée pour aller collaborer
à une offensive franco-britannique sur l' Yser.
Précédé de reconnaissances, le régiment arrive les
8 et 9 juillet, organise et ravitaille les positions qui lui sont assignées
entre la route de Fiurnes à Ypres et l'Yser à l'est de Woesten,
les occupe à partir du 13 et la préparation formidable, écrasante
de l'attaque commence. Elle se poursuit longuement en face d'un ennemi qui,
s'il est obligé d'évacuer rapidement les premières lignes
sur une profondeur de 1500 à 2000 mètres n'en exerce pas moins
une contrebatterie et une interdiction puissantes.
Le 31 juillet, à 3 h. 50, l'assaut est donné avec un plein succès
; sur le front du 1er corps, presque sans pertes, l'infanterie atteint tous
ses objectifs.
Le jour même, le 1er groupe est porté en avant à quelques
centaines de mètres des lignes de départ. Les 2e et 3e groupes
cherchent à franchir le canal, d'où l'infanterie s'est élancée.
Le génie parvient rapidement à lancer un pont, mais le terrain
conquis est tellement bouleversé, la pluie qui s'est mise à tomber
l'a transformé en un tel marécage qu'il faut attendre l'établissement
d'un chemin de rondins pour pouvoir avancer dans cette zone où l'infanterie
trouve péniblement son passage sur les lèvres boueuses des cratères
creusés par les obus.
En attendant, le 3e groupe, immédiatement à l'ouest de Steenstraete,
près de la ligne de départ, utilise au mieux pour masquer son
matériel ce qui subsiste dés tranchées amies Cil superstructure.
Successivement ses trois batteries y seront, avec de sérieuses pertes
en matériel et en personnel, retournées par les gros calibres
ennemis. Pour continuer à remplir leur mission, elles s'établiront
à quelques centaines de mètres plus à l'ouest, tout en
préparant de nouvelles positions à l'est du canal de l' Yser.
Le 16 août, après une nouvelle et brillante attaque de la 169e
division, qui porte nos lignes sur les ruisseaux du Saint-Jeansbeck et du Corverbeck,
le 2e groupe s'installe entre Steenstraete et Bixschoote.
Pendant la fin d'a août et en septembre le régiment prend part
à diverses opérations locales. Après un repos de quinze
jours dans la région sud de Dunkerque, il rentre en ligne pour appuyer,
les 12 et 13 octobre, les attaques de la 133e division. Les groupes sont, à
cet effet, respectivement mis en position près de Boesinghe, d'Hetsas
et de la maison du Passeur. Puis le 3e groupe relève un groupe du 213e.
Les avances récentes permettent d'envoyer le 2e groupe près du
hameau de Weidenrdreft, au bord du ruisseau du Steenbeck. De là il sera
en mesure .de fournir de flanc des feux particulièrement efficaces. Malheureusement
la position est à peine masquée. A deux reprises, la 44e est bouleversée
de fond en comble, ses canons enterrés et détruits, ses munitions
incendiées. La 45e, d'un seul obus ennemi, perd tous ses officiers, un
sous-officier et six hommes. La 46e, en moins de deux jours, a la moitié
de son personnel hors de combat ; le peloton de sa deuxième pièce
en entier tombe au champ d'honneur. L'accès aux pièces ne peut
avoir lieu que par une piste établie par les Britanniques en plateaux
de chêne, constamment encombrée de leurs convois, des voitures
démolies et des cadavres de chevaux dont le tir incessant de l'artillerie
ennemie la jonche. Aussi vivres et munitions n'arrivent-ils qu'avec les plus
grandes difficultés.
Le groupe est à tel point désorganisé qu'il doit, pour
l'attaque du 22 octobre, être ramené en une position au bord de
l'Yser. Reconstitué avec les ressources des autres groupes et du 15e
d'artillerie, il retourne deux jours après à Weidendreft, d'où
héroïquement et au prix de nouvelles pertes il va appuyer les attaques
des 26 et 27 octobre.
Pour ces attaques le 3e groupe était venu près de l'écluse
d' Hetsas. Notre infanterie a atteint le bois d'Houthulst, se trouvant ainsi
au pied des crêtes qui fermaient l'horizon et, quelques semaines auparavant,
semblaient un objectif pour ainsi dire inaccessible. Les trois groupes gagnent
aussitôt autant de terrain que la viabilité des pistes le permet
; les 1er et 2e s'établissent dans la presqu'île de Poesele, langue
de terre comprise entre l'Yser et le Saint-Jeansbeck ; le 3e s'installe près
de la route d'Ypres à Dixmude aux bords du Saint-Jeansbeck, après
avoir attendu 4 heures que le génie ait pu lui préparer un passage.
C'est dans cette situation que l'artillerie belge effectuait:
le 15 novembre la relève du régiment.
Les quatre mois de lutte sanglante soutenue dans cette immense et boueuse plaine
des Flandres, sans couverts et sans abris, à travers des champs d'entonnoirs
sans fin, resteront, dans la mémoire de ceux qui les ont vécus,
l'un des souvenirs les plus pénibles de la guerre. Les pertes du régiment
furent sévères. Le 2e groupe fut particulièrement éprouvé.
Sur les dix officiers qu'il comptait à son arrivée en Belgique
deux furent tués, cinq blessés ; ses batteries décimées
à plusieurs reprises, ayant perdu les deux tiers du personnel des pièces,
durent être reconstituées trois fois ; aussi le général
commandant l'armée n'était-il que l'interprète du sentiment
unanime en citant à l'ordre cette vaillante unité.
L'HIVER 1917-1918
Retirée du front des Flandres, la 162e division revenait
à: petites étapes, par un froid très vif, jusqu'aux environs
de Paris. Elle y demeurait au repos pendant une quinzaine, puis était
embarquée pour la région de Fère-en-Tardénois où
elle exécutait au camp de Chéry-Chartreuve, diverses manœuvres
sous la haute direction du général commandant le 1er corps d'armée.
Le régiment organise ses colonnes de ravitaillement. Désormais
chaque. groupe va compter quatre unités: trois batteries allégées.,
d'une partie de leurs moyens de transport et une colonne de ravitaillement groupant
à peu près ce qui antérieurement constituait les échelons
du groupe et le train régimentaire.
Le 29 janvier la division entre en ligne dans le secteur défensif de
Juvincourt. Le 1er groupe est établi à la Butte aux. Vents à
l'est de Pontavert (Aisne), le 2e au bois de Gernicourt ; le 3e installe une
batterie près du bois des Buttes, les deux autres
au bord de l'Aisne à Pontavert.
L'ennemi ne tarde pas à manifester une certaine nervosité ::.
il n'assiste pas sans réaction aux nombreux travaux de renforcement du
front où besogne dur notre infanterie, aux aménagements de positions
de batteries que la possibilité d'une attaque révélée
par de nombreux indices rend nécessaires, aux coups de main fréquents
que la recherche de ses intentions nous oblige à tenter. Les batteries
du 2e groupe passées au nord de l'Aisne (bois Clausade) subissent des
bombardements à l’ypérite malheureusement très efficaces.
Les autres unités paient aussi leur tribut.
Les 21, 22 et 23 mars, par un bombardement violent, l'ennemi cherche à
donner le change sur son action et à nous fixer pendant qu'un peu plus
au nord il se rue sur la droite britannique.
Le 23, le régiment est relevé par l'artillerie de la 2e division
et occupe au sud de l'Aisne des positions d'où il ne peut tirer
sur les premières lignes ennemies trop éloignées, mais
où il sera, au besoin, en mesure de s'opposer à une avance profonde
de l'assaillant.
Dans la nuit du 25 au 26 il en est retiré et immédiatement mis
en route, à marches forcées, dans les traces de son infanterie
précipitamment enlevée en camions automobiles.
MONTDIDIER (mars-avril-mai 1918)
Le 26 mars, par une marche de plus de 60 kilomètres
dans la vallée de l'Aisne, le régiment gagne les abords de Soissons
(Bucy-le-Long). Les colonnes avaient dû, au pont bombardé de Pailly,
passer voiture par voiture. Aiguillée un instant sur Noyon le 27, la
division reprend le 28 à l'aube la route du Nord-Ouest. Au soir elle
bivouaque au sud de Ressons-sur-Matz, les batteries en position, prête
à toute éventualité.
Le 29, le 3e groupe est prêté au 35e d'artillerie pour les attaques
prévues au nord de Courcelles-Epayelle. En batterie à 300 ou 400
mètres en arrière d'un bois à l'ouest du massif de Boulogne-la-Grasse,
il reçoit le 30 au petit jour l'ordre de rejoindre d'urgence le 162e.
Pendant qu'il s'apprête, le grand jour vient et les Allemands filtrent
à la lisière du bois. Il faut les tenir en respect. Grâce
au sang-froid de tous, à l'habileté des mitrailleurs, le matériel
peut être entièrement retiré, regroupé en un ordre
parfait et dirigé au pas sur Courcelles, tandis que l'infanterie assaillante
vient, du chemin creux qui était occupé par les pièces,
faire le coup de feu sur les voitures.
Par Maignelay, le 30, la division gagne Plaintive ; elle s'y met en garde pour
la nuit, les groupes en positions, le 1er et le 3e près du village, le
2e vers Ferrières. Des tirs d'interdiction sont exécutés
dans la direction de Cantigny.
Le 31, ordre est donné de contre-attaquer à 14 heures Mesnil-Saint-Georges
que l'ennemi, maître de Montdidier, vient d'atteindre. A cet effet le
3e groupe se porte près de Welles-Pérennes, le 3e au château
de Broyes. L'infanterie est rapidement arrêtée par des nids de
mitrailleuses qui n'ont pu être détruits.
Aussitôt commence une période de défensive particulièrement.
agressive. Les batteries tirent 1800, 2000, 2500 coups par 24 heures. Leurs
tirs d'interdiction nocturne atteignent 800 coups. C'est qu'il faut absolument
arrêter l'ennemi dans sa ruée vers Amiens, l'empêcher d'utiliser
les importantes voies de communication dont Montdidier est le nœud. Tous
les sacrifices de nos fantassins, tous les efforts de l'artillerie ne seront
pas vains : bientôt il renoncera à pousser vers la mer, à
couper l'armée britannique de l'armée française. La division
peut alors, aux premiers jours de mai être relevée et, autour de
Maignelay, être placée en soutien.
Là elle va se préparer à de nouveaux et rudes combats en
manœuvrant, en organisant les positions éventuelles qu'elle occuperait
si sa mission l'obligeait à s'engager. Cette période d'activité
féconde, après les durs jours du secteur de Pontavert, de la marche
vers Montdidier et de la résistance devant cette ville, pourrait passer
pour un repos, n'étaient les avions ennemis qui viennent, presque chaque
nuit, inquiéter les cantonnements et qui hélas font souvent des
victimes.
LA DÉFENSIVE A L'OUEST DE SOISSONS
(mai-juillet 1918)
Le 28 mai, à l'issue d'une prise d'armes du régiment, où
furent remises quelques croix de guerre, l'ordre arrivait brusquement de se
diriger vers Soissons : la veille l'ennemi avait attaqué à nouveau
sur tout le chemin des Dames et déjà il menaçait Soissons
et Château-Thierry.
Dès le soir une longue étape est franchie et le lendemain après
une marche de tout le jour le régiment parvient à Vic-sur-Aisne.
Par mesure de précaution, le 3e groupe est mis en batterie sur le plateau
au nord de l'Aisne; à l'ouest de Nouvron-Vingré. Le 30 au matin,
les deux autres groupes s'établissent au sud de l'Aisne, le 1er à
400 mètres au sud-ouest du village et du pont de le Port, le 2e à
Gorgny.
La division a encore une mission de soutien, mais le lamentable défilé
auquel elle assiste fait présager que nos canons ne tarderont pas à
gronder : ce ne sont que convois, qu'isolés portant les numéros
les plus variés, qui refluent vers l'arrière, ne sachant presque
rien, si ce n'est qu'ils ont perdu tout contact avec leurs chefs …
Le 31 une vaste contre-offensive doit enrayer le flot envahisseur : les 1er
et 3e groupes sont, au point du jour, portés à l'est de Pernant.
La situation générale ayant obligé bientôt à
renoncer à l'attaque projetée, ils reviennent à leurs positions
de la veille pour y ouvrir immédiatement le feu sur Osly-Courtil, Cuisy-en-Almont,
le plateau au nord-est de Fontenoy. L'ennemi ne cesse d'avancer. Les observateurs
du 263e placés sur la croupe de Fontenoy, marchent avec nos éléments
d'infanterie, qui résistent de leur mieux. Ils font tout pour conserver
la liaison avec les batteries : aussi les pertes infligées à l'assaillant
sont elles lourdes.
A 20 heures les pièces du 1er groupe tirent à vue, à 1500
mètres sur les Allemands qui ont atteint le rebord du plateau. Elles
ne peuvent les empêcher de filtrer par les fonds, que le tir tendu ne
saurait atteindre, et bientôt de s'emparer de Le Port. Mitrailleuses et
fusils entrent aussitôt en action contre les 41e, 42e et 43e batteries,
qui ne cessent le feu qu'après avoir épuisé
leurs munitions. Grâce à la tombée de la nuit et au sang-froid
du personnel, les avant-trains peuvent être amenés sans grand dommage
et à une heure le 1er juin le 1er groupe est en état, au Maubrun,
à côté du 7e qui s'y trouve déjà, de continuer
ses barrages.
Le 3, l'ennemi progressant toujours plus au sud atteint le plateau de la Croix-Sainte-Créaude
il voit de dos les batteries en action. Le commandant de l'artillerie du 1er
corps d'armée, qui se trouve sur le terrain, fait faire sur place demi-tour
aux pièces et par un tir à vue sur les tirailleurs débouchant
de la Râperie, arrête net une attaque violente, qui menaçait
la division de droite.
De ces positions intenables, où le moindre mouvement est salué
de coups de canons, la défense du front de la division est insuffisamment
assurée : le 2e groupe est porté à la ferme du Châtelet
(est de Courtieux), le 1er aux abords de Montigny-Lengrain, puis, l'avance au
nord de paraissant se ralentit, à Chapeaumont sur la rive droite de la
rivière. Ait 15 juin la situation sera assez stable pour que le 2e groupe
vienne à son tour près de Berny-Rivières.
Pendant ces jours agités le 3e groupe avait dû être ramené
le 1er juin, au sud de l'Aisne, dans la vallée même. En occupant
chaque jour et parfois à plusieurs reprises dans la journée des
positions nouvelles il avait cherché à se soustraire au feu qui
le poursuivait. Il avait successivement essayé de demeurer -à
l'abri de tous les masques qui peuvent se rencontrer de Gorgny à Montois.
Partout, au bout de quelques heures, reconnu par une artillerie disposant comme
observatoire de crêtes qui permettaient de fouiller tous les recoins de
la vallée, il avait été rudement mis à l'épreuve.
Il se maintenait cependant…
L'aviation ennemie, avec ses bombes et ses mitrailleuses lie laissait guère
de répit. Dit moins dut-elle payer sa hardiesse d'un lourd tribut : nombre
de ses appareils furent abattus par les mitrailleuses, dont deux par celles
du régiment.