Canton de Lauterbourg. Arrondissement de Wissembourg. Département
du Bas-Rhin. 500 habitants en 1996. Superficie : 462 hectares.
Altitude moyenne de l'agglomération : 128 mètres, elle s'élève
vers Neewiller et culmine à 178 mètres.
Le ban est un ensemble géologique loessique propice à l'agriculture.
Le patrimoine bâti est en extension et en très bon état.
Les armoiries de Scheibenhard : Création d'armes rappelant le symbole de Saint Georges, patron du village et la forêt de la Hardt. |
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Repères historiques :
Il y a 8 000 ans les eaux de la post-glaciation stagnaient encore dans la vallée
de la Lauter qui ne se peupla que longtemps après. Les Celtes ont laissé
quelques traces dans la région : four de potier à Neewiller, tumuli
dans les forêts.
Les Gallo-Romains ne firent que transiter par le ban en empruntant la voie entre
Tribuni (Lauterbourg) et Concordia (Altenstadt).
Des traces de cette route subsistent dans le haut du village, près du
grand carrefour.
Au Ve siècle, les Romains cèdent le terrain aux Alamans, lesquels
sont refoulés par les Francs. Ainsi à Scheibenhard on parle le
dialecte francique.
De ses débuts, peu de faits précis jalonnent la chronologie locale
Le nom de Scheibenhard signifie CLAIRIERE DANS LA FORET.
C'est à Scheibenhard que l'évêque de Spire aurait acquis
sa première possession, sur la rive droite de la Lauter, tout au début
du XIe siècle.
Les empereurs saliens résident alors à Spire et y font construire
la prestigieuse cathédrale romane.
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1206. Dans un acte administratif du couvent de Klingenmuenster,
le soldat fonctionnaire Meingott "de Scheibenhard" est cité
comme témoin. (Miles Mengotus de Schibenhart).
XIIe et XIIIe siècles. Le hameau est géré
par le couvent de Klingenmuenster mais sur le plan paroissial il est une annexe
de Niederlauterbach
XIIIe siècle Construction d'une petite église romane dédiée à Saint-Georges.
1306. Scheibenhard devient dorénavant paroisse indépendante du prévôt du chapitre de Spire, prête collateur.
1348/1349. La peste décime le village.
1525. Guerre des paysans. Ceux du village se joignent au groupe du bailliage de Lauterbourg. Chargés de défendre les biens de l'évêque, ils participent à leur pillage.
1530. On recense 23 foyers : 43 adultes, 80 enfants, au total 123 habitants.
1558. L'évêque de Spire, Rodolphe von Frankenstein, offre à la paroisse un livre liturgique. Très estimé, il meurt en 1560 à Lauterbourg.
1618/1648. L'abominable Guerre de Trente ans.
En 1621, le général protestant, comte de Mansfeld, s'installe
à Lauterbourg avec ses milliers de mercenaires. La population d'alentour
fuit.
Après un calme de 7 ans, les armées se succèdent : Suédois,
Français, Weimariens et Croates.. Par le traité de Wesphalie,
l'Alsace est intégrée Royaume de France, mais ce n'est qu'en 1680
que les habitants du bailliage de Lauterbourg, dont ceux de Scheibenhard, prêteront
serment d'allégeance au Roi de France. Le village est encore quasi désert.
1692. On ne compte que 16 habitants.
1685. Dans le Val St Georges, en dehors du village, le receveur bailliager de Lauterbourg, Christophe Horrer, crée sur la Lauter la « Aisenschmelze » (fonderie).
1701/1714. Guerre de succession au trône d'Espagne.
1706. Construction des lignes de la Lauter.
Sceau de 1751 Amtsgericht Scheibenhard |
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Vers 1720. La "Aisenschmelze", en faillite,
est transformée en moulin à grain. Le meunier Liebhard et sa descendance
en feront une entreprise prospère.
1788. L'église romane, délabrée,
est démolie.
1789. Une nouvelle église, dédiée à St-Georges, est érigée au bord de la grande route. La Révolution éclate.
13.10.1793. L’armée autrichienne, comprenant des royalistes français, commandée par le Général Wurmser, passe la Lauter et occupe le Nord de l'Alsace.
Fin décembre 1793. Elle est refoulée par l'armée républicaine commandée par Hoche. Plusieurs familles fuient. Elles reviendront plusieurs mois après.
27.10.1794. A Scheibenhard les biens de l'évêché de Spire, devenus biens nationaux, sont vendus aux enchères.
1801. Le Concordat intègre le canton de Lauterbourg au diocèse de Strasbourg.
1815/1825. Après la défaite de Napoléon à Waterloo, la frontière nationale est portée sur la Lauter. Scheibenhard est partage en deux communes : l'une bavaroise SCHEIBENHARDT, l'autre française SCHEIBENHARD (cependant, une seule paroisse pour les deux.) De nombreuses familles seront séparées par la frontière.
Début août 1870 le nord de l'Alsace est occupé par les armées allemandes.
La frontière est supprimée. Les prisonniers de guerre retenus en Allemagne reviendront au village en 1871.
29.06.1900. Inauguration de la ligne de chemin de fer Lauterbourg-Wissembourg.
1902. Mise en service d'une laiterie à vapeur qui tint ses promesses jusqu'en 1904
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Scheibenhard, la rue de l'église en 1905
(carte postale) |
11.11.1918. Fin de la première guerre mondiale (1914-1918). L'armée française pénètre en Alsace. La frontière sur la. Lauter est rétablie. Les prisonniers de guerre retenus en France reviendront au village en 1919.
1925. Construction de la Maison de la Douane.
1931. Construction de l'église St-Ludwig à Scheibenhardt/Bavière.
01.09.1939. Début de la guerre franco-allemande. Le village est évacué en quelques heures vers St-Sulpice-les-Feuilles, en Haute-Vienne.
Saint-Sulpice-les-Feuilles (Haute-Vienne) Eglise et presbytère |
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14.05.1940. La Wehrmacht franchit la Lauter. L’église St Georges est détruite ainsi qu'une partie du village. La frontière est supprimée.
Août 1942. Premières incorporations dans la Wehrmacht.
15.09.1944. Un bombardier américain en perdition
lâche 5 bombes sur le village : des dégâts, pas de victime.
14.12.1944. L’armée américaine pénètre
dans le village.
04.01.1945. Celle-ci se retire précipitamment.
La Wehrmacht revient.
19.03.1945. L’armée française libère
le village. La 6e compagnie du 4e régiment des Tirailleurs Tunisiens,
commandée par le capitaine Sahuc, franchit la Lauter, occupe de haute
lutte Scheibenhardt et réalise ainsi la première percée
française en Allemagne. La Lauter redevient frontière nationale.
Le retour au village des prisonniers de guerre s'étalera sur plusieurs
années et la reconstruction des maisons sinistrées sur plus de
15 ans.
1962. Pose de la première pierre de la nouvelle
église St Georges.
1964. La "Féculerie de l'Est" cesse son
activité. Elle avait acquis le moulin Liebhard en 1923 et traité
annuellement des milliers de tonnes de pommes de terre.
1982. Remembrement du ban du village.
1984. Construction sur Scheibenhard du tronçon
terminal de la route à quatre voies : CD 300 dite Axe Nord-Sud.
1985. Mise en service de la plate-forme douanière.
20.09.1992. Référendum sur le traité
de l'Union Européenne, Scheibenhard vote OUI à 72 %.
31.12.1992. La frontière douanière est supprimée,
la circulation entre les deux villages est dorénavant totalement libre.
31.12.92 Suppression des frontières, les douaniers déménagent.
Les Lignes de la Lauter
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Un détail de Scheibenhard indiquant l'ampleur
de l'ouvrage. En bleu: la Lauter En rouge : les différents ouvrages |
Après les effroyables événements du XVIIe siècle,
le village de Scheibenhard était ruiné et quasi abandonné.
La paix n'avait duré que quatre ans, quand Louis XIV est contraint à
la guerre de succession d'Espagne (1701-1714) l'opposant à l'Autriche
et à l'Angleterre. Les Impériaux, commandés par le Margrave
Louis de Bade dit le « Tïirken Louis », prennent Landau et
refoulent les Français au-delà de Haguenau. En Avril 1706, le
maréchal de Villars contre attaque et le 3 mai il reprend Lauterbourg,
Kandel et Wissembourg. Le parapet continu, long de 9000 toises (18 km), comportant
de nombreux redans pour les tirs de flanquement, à une hauteur moyenne
de 6 pieds (pied = environ 30 cm) et une épaisseur de 7 à 12 pieds.
Les redoutes, entourées de parapets de 18 pieds d'épaisseur et
de fossés profonds, abritent chacune environ 30 hommes chargés
de surveiller et défendre les digues.
Pour verrouiller l'Alsace du Nord, le maréchal de Villars décide
aussitôt d'ériger une ligne de défense le long de la Lauter,
du Rhin jusqu'à Wissembourg et au-delà dans la montagne. Cette
ligne est faite d'une levée de terre bordant le Val de la Lauter, d'une
cinquantaine de redoutes et d'une trentaine de digues de retenue entraînant
l'inondation de la vallée, le tout assorti de palissades et d'abattis.
Cet ouvrage conçu par l'ingénieur de Règemorte et réalisé
par l'ingénieur de Charmont avec environ dix mille pionniers, est opérationnel
dès septembre 1706. Il dissuada l'adversaire jusqu'à la fin de
la guerre.
Si les diplomates et experts de l'époque rédigeaient avec soin
les conventions en ménageant quelque peu les intérêts des
villageois, ils leurs créèrent cependant lourdes sujétions
dont les tracasseries douanières. Par voie de conséquence ce stupide
tracé de frontière, coupant le village en deux, provoqua dans
les familles des situations tragiques lors des futurs conflits franco-allemands.
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Le moulin de Scheibenhard et celui de la Bienwaldmühle
sont couverts par des redoutes ainsi que les passages de la rivière de
Salmbach, Niederlauterbach et Scheibenhard. Le village est particulièrement
bouleversé par les levées de terre. Le cimetière, alors
envahi par la végétation, est transformé en une redoute
entourée d'un parapet, avec, excentrée, la petite église
romane devenue corps de garde.
De cette hauteur les soldats peuvent surveiller la digue érigée
en travers de la Lauter à l'endroit du pont actuel. Tout le bas du village
est alors inondé.
Un parapet est également élevé en amont de la digue (rue de la 6` compagnie) ainsi qu'en aval,au bord de la terrasse inférieure (la rue du moulin encore inexistante).
Plus tard, après nivellement du parapet, la rue du moulin sera ouverte et vers 1740 on y construira des maisonnettes à pans de bois et en torchis.
Quant au parapet continu il bordera la terrasse supérieure
dont il reste aujourd'hui quelques traces (propriétés Hiebel et
Holler).
Un plan des lignes est exposé au Musée Westercamp à Wissembourg.
Actuellement les lignes sont assez bien conservées dans
la partie boisée de la Vallée et un sentier balisé par
le Club Vosgien chemine sur la crête du parapet jalonné de quelques
redoutes en bon état.
Par la suite, les lignes seront encore témoins Bavière et une
autre en 1828 entre les deux d'autres conflits : le 4 juillet 1744 : le passage
des turbulents Pandours (guerre de succession au trône d'Autriche).
Pendant les guerres de la Révolution, en été 1792 les troupes du Général Kellermann sont dans les lignes. En été 1793, 4381 hommes campent sur le ban de Scheibenhard. Le 13 Octobre l'armée impériale franchit les lignes mais est refoulée fin décembre par le Général Hoche. En Juin 1815 1e Général Rapp tente en vain de résister dans les lignes, face aux coalisés.
En 1939-40 l'armée française place dans les lignes ses avant-postes que la Wehrmacht bousculera le 14 Mai 1940.
Les lignes de la Lauter ont toutefois joué un rôle
politique important. Après la défaite de Napoléon à
Waterloo, le 15 juin 1815, le congrès de Vienne décide de tronquer
le Nord de l'Alsace, de porter la frontière nationale sur la Lauter et
de céder le territoire perdu à la Bavière qui, en échange,
rétrocède Salzbourg à l'Autriche.
Pourquoi ne pas avoir fixé la frontière sur le Seltzbach alors
que les bailliages de Wissembourg et de Lauterbourg avaient jadis appartenu
à la principauté épiscopale de Spire ?
Parce qu'en y faisant ériger les lignes sur la Lauter en 1706, le roi
de France avait ainsi manifesté son intention d'y fixer la frontière.
Avec cet argument les diplomates français ont pu limiter les prétentions
des Alliés.
Cette décision se concrétise en 1825 par la signature d'une convention
entre la France et la Bavière et une autre en 1828 entre les deux communes
de Scheibenhard.
Dans le cadre des droits d'usage la commission franco-bavaroise a en outre énoncé
en détail les conditions d'utilisation des eaux de la Lauter par le moulin
de Scheibenhard (dont l'exploitation a d'ailleurs pris fin en 1921).
La ligne de chemin de fer Lauterbourg - Wissembourg
Le 29 juin 1900 a eu lieu l'inauguration de cette ligne, longue
de 20 km, en présence du Président d'arrondissement, de nombreux
conseillers et inspecteurs de l'administration (allemande). Le train tiré
par la locomotive « Hedwig », orné de guirlandes, sous la
conduite du « Bahnmeister » Weber, s'est d'abord arrêté
à la station Lauterbourg-Nord (situé au-delà du pont de
la Lauter), ovationné par la foule; discours du Maire Adam, chants, musique.
A 10 h 16, le train repart pour Scheibenhard où l'accueil, très
cordial, a été rehaussé par les chants de deux chorales
scolaires.
Il en fut de même à Niederlauterbach, Salmbach(Maire Vogel), Schleithal
(Maire Hiebel) puis enfin à Wissembourg où une grande foule de
curieux attendait ce premier train. On prononça de nombreux discours
dithyrambiques.
Ce petit train fit chaque jour, à petite allure, 6 allers et retours
mettant 40 minutes pour faire les 20 km, s'attardant quelquefois à une
halte pour accrocher ou décrocher un wagon de marchandises (en partance
de Scheibenhard : grumes, céréales, fécule...)
Aux passages à niveau, dont aucun n'était gardé ou fermé,
le mécanicien ralentissait et actionnait la cloche. Les fermiers se rendaient
ainsi au marché avec les volailles et d'autres produits. Les élèves
du collège de Wissembourg avaient largement le temps de revoir leurs
leçons dans le train. Il était sympa le "Baehnel"!
Ultérieurement, le Génie militaire détruisit le tronçon
Lauterbourg-Scheibenhard, mais la ligne Scheibenhard-Wissembourg continua à
fonctionner en trafic marchandises jusqu'en 1958 et transporta essentiellement
de la fécule et du pétrole.
La voie a été en grande partie transformée en piste cyclable,
intégrée en 1993 dans le parcours franco-allemand de la Vallée
de la Lauter. Tandis que les bâtiments de la gare de Scheibenhard, acquis
par la commune, ont été rénovés à l'usage
des sapeurs-pompiers d'une part et de l'autre en annexe à la salle polyvalente.
L'évacuation en 1939
Le 31 août 1939, la guerre semble proche et l'inquiétude
est grande dans le village. Ce jour là, les cultivateurs allemands franchissent
encore tout naturellement la frontière pour travailler aux champs.
Entrer en guerre avec les cousins de part et d'autre n'est pas concevable. Pourtant,
le vendredi 1er septembre à 14 heures l'appariteur fait la consternante
annonce : « Départ à 15 heures avec les attelages, avec
30 kg de bagages chacun ». La troupe devait récupérer le
bétail restant.
Les gardes frontaliers mobilisés sur place restent au village.
Un long convoi emprunte alors le chemin creux menant à Neewiller. Les
nappes et toiles couvrant les charrettes très chargées donnaient
de la couleur à l'ensemble. Première halte à Walbourg et
une deuxième près de Lupstein, qui durera une semaine. On dormait
sur et sous les charrettes.
Puis, abandonnant les attelages, les évacués embarquèrent
dans des wagons à bestiaux pour entreprendre un pénible voyage
de 3 jours jusqu'à Limoges. Ils repartirent ensuite dans la Commune de
St-Sulpice-les-Feuilles (Haute-Vienne), toute surprise et nullement préparée
à ce flot de réfugiés.
Celle-ci comptait alors environ 1300 habitants dont 600 dans l'agglomération
même. Les gens de Scheibenhard et de Neewiller, également du convoi,
se mirent en quête d'un gîte provisoire: salle de Mairie, restaurant,
etc..., et dormirent sur la paille.
Séjour à Saint-Sulpice
Au fil des jours, la municipalité attribua à
chacun un logement, en général très inconfortable. Les
allocations, rapidement versées, permirent d'acheter des couvertures,
de la vaisselle... et de relancer le commerce local. Des adultes trouvèrent
du travail, ce qui entraîna souvent des suppressions d'allocations.
Le front sur la Lauter était calme, c'était "la drôle
de guerre". Alors, quelques villageois munis d'autorisations, allèrent
chez eux, quérir les objets utiles : vêtements, literie, etc...
Pour pénétrer dans leurs maisons situées au bas du village,
il leur fallut enjamber les barbelés. Il y régnait un grand désordre
; les soldats avaient déménagé tout ce qui pouvait améliorer
le confort des avant- postes.
Enfin, la vie quotidienne se normalisa à St-Sulpice ; le curé
de Neewiller prit en charge les paroissiens alsaciens, le gérant de la
Caisse Mutuelle continua à gérer ses dossiers, les Maires de Scheibenhard
et Neewiller administrèrent en Mairie de Saint-Sulpice, les enseignants
alsaciens firent la classe aux enfants des deux villages réunis dans
un restaurant. Seuls les grands furent mêlés aux enfants de Saint-Sulpice.
A La Souterraine (Creuse), comme à Saint-Sulpice, les Alsaciens se retrouvaient
au marché. Ceux qui maîtrisaient la langue française eurent
de bons rapports avec les Limousins. Quant aux jeunes Alsaciens, ils acceptaient
mal certaines épithètes ; mais les explications (musclées)
tournaient presque toujours à leur avantage!
L'Armistice... et après
En 1940, les habitants de Saint-Sulpice n'ont rien perçu des opérations
militaires. C'est donc sans trop d'appréhension qu'en octobre les Scheibenhardois
reprirent le chemin du retour, et, comme à l'aller, en train, dans des
wagons à bestiaux, ce jusqu'à Soultz-sousForêts, d'où
ils furent acheminés en car à Scheibenhard. Quelques familles
retrouvèrent leur maison déjà remise en ordre par les hommes
du village, qui avaient été faits prisonniers par les Allemands,
puis libérés sur place, tandis que d'autres ne trouvèrent
que des ruines. En automne 1939, le Génie avait fait sauter les accès
aux carrefours du village et ainsi ruiné une douzaine d'immeubles. De
la belle église construite en 1789, il ne restait que des murs calcinés.
Cependant quelques familles ne sont pas revenues pour des raisons évidentes
: logement satisfaisant en Haute-Vienne et allocations suffisantes, mais surtout
l'appréhension d'être confronté avec les occupants dont
on à connaissait l'autoritarisme.
L'évacuation de Scheibenhardt
Scheibenhardt, l'agglomération allemande, jumelle de Scheibenhard, a
été évacuée le 1" septembre 1939.
Opération appelée "Freimachung". L'ordre fut diffusé
dès 2 heures du matin. Les personnes âgées, les malades,
les mères et jeunes enfants prirent le train à Berg, en même
temps que les habitants de Neulauterburg. Le reste de la population ne partit
que le dimanche 3 septembre en convoi, après avoir méthodiquement
évacué le bétail.
Repliés dans la région de Würzburg, les habitants de Scheibenhardt
ne revinrent qu'en. juillet 1940. Ils quittèrent une nouvelle fois la
"zone rouge" au début de décembre 1944, cette fois dans
des conditions très difficiles, pour ne revenir qu'au printemps 1945.
Interrogez ceux qui ont vécu cette époque, ils sont intarissables...
Scheibenhardt : Tête de pont sur l'Allemagne 18-19 mars
1945
Le 4e Régiment de Tirailleurs Tunisiens de l'Armée
Française, arrivé à marche forcée et sans ravitaillement
à Lauterbourg y tente de passer la Lauter.
L'action échoue face à la résistance allemande. Seule solution
: franchir la Lauter à Scheibenhard. Le Général Guillaume
ordonne alors au Capitaine Sahuc, commandant la 6e Compagnie: "Vous voyez,
Sahuc, cette forêt, c'est le Bienwald. C’est l’Allemagne,
il faut y entrer". Une reconnaissance de la frontière établit
que les pionniers ennemis avaient aménagé la rivière pour
y provoquer des zones d'inondation. La défense du village allemand était
organisée. L'avance française avait été si rapide
que l'approvisionnement en munitions risquait de faire défaut.
Lors de son étude du terrain, Sahuc rencontra des villageois de Scheibenhard
et notamment Mme Stauffer, Mr Lehmann et sa fille Annelyse Mayer. Le plan d'attaque
sera le suivant: l'artillerie pilonnera le village allemand de 16 h à
16 h 30, puis pendant l'assaut des quartiers précis sur indication de
Sahuc, ce dernier franchira la Lauter avec sa compagnie en 2 colonnes. 16 h
30 précises : « En avant! » La colonne de gauche manque de
justesse la noyade tant le courant est fort et lourde la charge des soldats.
Elle suivra les traces de la colonne de droite qui a réussi à
progresser et ramène déjà les premiers prisonniers de la
1"` compagnie du 2e S.S. Polizei Regiment.
Cependant la résistance se fait de plus en plus acharnée. Grâce
au soutien de l'artillerie et au prix de corps à corps meurtriers dans
les maisons, les jardins, l'armée française progresse.
A la tombée de la nuit et à la lueur des incendies, après
4 heures de combat, le village est pris. L'opération avait été
suivie personnellement par le Général De Lattre.
Scheibenhardt est la première tête
de pont sur l'Allemagne
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La paroisse St Georges
Dès le XIIIe siècle une petite église
romane, orientée vers l'Est, s'élevait dans la partie nord-est
du cimetière de Scheibenhard, construite en grès des Vosges sur
des fondations de pierres calcaires de Büchelberg.
La petite communauté était alors annexée à celle
de Niederlauterbach mais la distance rendait difficile l'administration des
sacrements.
Les habitants de Scheibenhard obtiennent le 1er décembre 1306 la création d'un vicariat perpétuel toutefois assorti de lourdes charges (logement, caution, dîmes, etc ; la plus grande partie des "bénéfices" allant au prévôt du Chapitre de Spire).
Après les guerres du XVIIe siècle, l'édifice, malmené et délabré, menaçait ruine. Il fut démoli en 1788 et remplacé par une église plus spacieuse également dédiée à St Georges. Elle fut coiffée par l'ancien petit clocher que le généreux curé Laroche remplaça en 1870 par une élégante flèche visible de loin.
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Hélas, en mai 1940, de l'église soumise au feu de l'artillerie, il ne resta que les murs calcinés. La grande croix en fer forgé de son clocher, récupérée et restaurée, orne maintenant la place du Père Laroche, à l'endroit même où s'élevait le clocher (haut de 4,75 m, pesant 521 kg). |
De l'autre côté de la rue du 19 mars 1945, jouxtant le presbytère, une nouvelle et belle église a été construite, dédiée à St Georges : première pierre posée en 1962, ouverte au culte en 1965. Elle remplaçait alors l'église provisoire en bois érigée après la guerre.
Durant de longs siècles, les fidèles ont monté cette rue menant à ces trois églises successives dédiées à St Georges. Puisse-t-elle un jour s'appeler "rue St Georges" en mémoire des 30 générations qui l'ont gravie.
Malgré la division survenue en 1815, une seule paroisse
unissait les fidèles du village. Toutefois en 1931, la commune allemande
créa sa propre paroisse, son église Sankt Ludwig ; son cimetière.
Mais dès 1968 l'évêque de Spire confia cette paroisse au
curé de St Georges, situation singulière que les médias
ne cessent de commenter.
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L'Eglise St-Georges dont l'existence fut brève: 1789 à 1940. |
Eglise provisoire |
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Les très anciennes familles du village
Les guerres et les épidémies du XVIIe siècle décimèrent
la population du village qui, cependant, se repeupla relativement vite. On relève
dans les registres de la paroisse St. Georges de la première moitié
du XVIIIe siècle les familles ci-après, presque toutes venues
d'ailleurs et la plupart repartiront vers d'autres paroisses. De ces patronymes,
il en subsiste environ un cinquième.
Barlemann (Perlemont), Bayer ou Beyer, Bentz, Bernauer, Bleger, Boes, Boeles,
Bordenkircher (1685), Bouchut,
Carl,
Deck, Dietrich, Distel, Eisensteck, Engelhard, Ewig,
Fichs (Vix), Fischer, Forschler, Fuchs,
Gabriel, Geiger, Gerstner, Gingelius, Grünsteiner, Guckert,
Haller, Hârdel, Heberle, Helffrich, Hemberger (Himberger), Hemmerle, Herbein,
Hertzmann, Hertzog, Heydel, Hirsch, Huber, Huck,
Illig, Jung
Kampf, Kayser, Klughammer, Keller, Klein, Kornprobst, Küstner,
Laux, Legrand, Leber, Libart (Liebhard), Lorenz, Lustig,
Marschal, Martin, Matern, Maushard, Moritz, Muller,
Neff, Neichel,
Peter, Pfaff, Pfeiffer, Pflugger,
Rauscher, Reich, Richter, Rieder, Riger, Rumpf, Ruth,
Schauer, Scherer, Schiffmacher, Schmalz, Schmitt, Schünagel, Schoufriou,
Specht, Stahl, Stab, Staufer (Steffer), Steinmeyer, Steinmüller, Suder,
Vix, Voegele,
Wahle, Walter, Weber, Weinbrand, Weinhard, Weisbeck, Würtz (Wirth),
Zimmermann.
L'industrie
La Schmelzmühle
Après les guerres du 17` siècle, une nouvelle entreprise implantée
à l'extérieur, au bord de la Lauter, au Val St Georges, redonna
vie au village. En 1685, Christophe Horrer, nommé en 1682 économe
à Lauterbourg par l'Evêque de Spire, investit toute sa fortune
dans la création d'une industrie métallurgique (Aisenbergwerk)
comprenant fonderie et forge et traitant le minerai de fer extrait sur place.
Il fit venir du Tyrol des ouvriers qu'il logea dans 3 maisons à double
habitation. Le curé Kistner de Lauterbourg bénit les installations
dont une chapelle le 7 septembre 1685. Cependant freinée par les difficultés
et l'érection des lignes de défense, cette activité cessa
au bout de 20 ans.
La "Schmelzmühle" est alors reprise par le meunier Andreas Liebhard,
venu de la proche Bienwaldmühle (exploitée par la famille Hart)
et transformée en moulin à grains. L'ardeur et la compétence
de ce meunier sont grandes et dès 1721 son moulin est considéré
comme l'un des meilleurs de l'Evêché de Spire. En 1923, après
deux siècles d'exploitation florissante, la famille Liebhard céda
le moulin à la "Féculerie de l'Est" qui jusqu'en 1956,
fut source d'emplois et de revenus pour les agriculteurs de la région.
Le site est maintenant quasi désert, la chapelle de 1685 et l'immense
grange ont disparu. Le relief figurant St Georges et ornant la façade
de l'habitation depuis 1755 rappelle la fortune passée du moulin.
Le pétrole à Scheibenhard
L'industrie minière de Pechelbronn, déjà citée en
1498, est sans doute la plus ancienne du monde. Et non loin, à Scheibenhard
et alentours, sommeillait un gisement de pétrole dont l'origine remonte
à 160 millions d'années. En 1956, la société «
Prépa » y a découvert deux nappes ; l'une profonde de 592
à 597 mètres assurant un débit de 5,3 m` par jour, l'autre
de 948 à 952 mètres avec un débit de 13 m3 par jour. D'autres
puits furent forés et de 1957 à 1968, la production cumulée
a été de 221 469 tonnes. L'exploitation de ce gisement a été
reprise par ELF-Aquitaine sur les bans des communes voisines. On peut observer
de près les pompes à balancier dont les contrepoids équilibrent
l'effort des moteurs d'une puissance de 3000 à 4000 kg nécessaire
pour tirer le liquide et la tige de la pompe aspirante et refoulante plongée
dans la nappe à 500 ou 900 mètres. Grâce à un système
de chauffage électrique, la température minimale du pétrole
brut, riche en paraffine, est maintenue à 27 °C (nappe à 500
m) et 32 °C (950 m) et ce pour faciliter son stockage puis son transvasement
dans les camions-citernes. A la raffinerie de Reichstett ce brut devient : pétrole,
huile, kérosène, paraffine, goudron, pétrole lampant, etc.
Les quantités produites sont symboliques, en moyenne 5 m3 par jour et
par puits et l'exploitation ne perdurera pas.
Pour conclure et pour pasticher une expression des années soixante-dix
: si nous avons des idées, nous avons aussi du pétrole.
Sources : "Scheibenhard, 100e anniversaire de la Caisse de Crédit Mutuel" 15 septembre 1996